Rencontrez ArcticNet: Dr. Philippe Archambault
Professeur titulaire au Département de biologie de l’Université Laval, Philippe Archambault, Ph. D., est un membre estimé d’ArcticNet depuis pratiquement ses débuts, ayant joint le réseau en 2007 à titre de chercheur. Le 1er avril dernier, M. Archambault et Mme Jackie Dawson, Ph. D., de l’Université d’Ottawa, ont repris le flambeau à titre de directeurs scientifiques d’ArcticNet, succédant ainsi à M. Louis Fortier, Ph. D., qui a pris sa retraite cette année.
M. Archambault s’intéresse à l’interaction entre l’activité humaine et les changements environnementaux, ainsi qu’à leurs impacts sur la biodiversité et l’habitat benthique. Ses travaux de recherche menés dans le golfe du Saint-Laurent et l’Arctique canadien s’étendent de la zone intertidale jusqu’aux profondeurs abyssales, et ont servi de guide à de nombreux organismes, comités directeurs et comité consultatifs, y compris le Réseau pour des océans canadiens en santé (CHONe), le réseau d’innovation Notre Golfe et le regroupement Québec-Océan, financés par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, le Comité scientifique international, Ocean Network Canada et la quatrième Conférence mondiale sur la biodiversité marine, tenue en 2018.
Reconnu pour ses recherches sur l’Arctique, M. Archambault, en collaboration avec Mme Karen Filbee-Dexter, Ph. D., a dirigé le projet ArcticKelp financé par le réseau ArcticNet et visant à examiner le sort des forêts de kelp dans l’Arctique en pleine mutation. Bien que beaucoup de gens associent les forêts de kelp à des régions plus méridionales comme la côte du Pacifique, les forêts sous-marines de l’Arctique sont un élément vital de l’écosystème marin nordique, car elles constituent des habitats uniques et complexes où de nombreuses espèces vivent et se nourrissent. Même si on les observe dans l’ensemble de l’Arctique canadien, les forêts de kelp restent méconnues; l’affouillement par la glace et l’érosion créent des zones terrestres et côtières stériles, et les recherches menées dans les habitats profonds éloignés des côtes dénombrent peu de forêts de kelp. Plus près des côtes, toutefois, ces forêts regorgent de vie, abritant une biodiversité qui surpasse celle qu’on trouve dans les zones non peuplées de kelp.
Les forêts sous-marines de l’Arctique jouent un rôle important dans la capture de carbone, tout comme les forêts terrestres, et influent sur le régime des vagues et les courants marins. La compréhension des changements que peut subir cet écosystème dynamique en raison du réchauffement des eaux arctiques et de la fonte des glaces marines permettra aux collectivités nordiques d’en prévoir les impacts futurs, de s’y préparer et même d’en tirer profit, car il est possible que les forêts de kelp profitent, en effet, d’une exposition prolongée à la lumière. S’appuyant sur les connaissances inuites des côtes, les travaux de M. Archambault contribuent à combler une importante lacune dans notre évaluation de l’environnement marin arctique en pleine mutation.
Les recherches de M. Archambault font des vagues au sein de la communauté scientifique. En effet, son projet de modélisation de l’interconnexion des réseaux trophiques a été classé parmi les dix plus grandes découvertes de l’année 2019 par le magazine Québec Science. Semblable à la théorie des « six degrés de séparation » — ou au principe de Facebook consistant à rejoindre « les amis des amis », pour donner un exemple plus moderne —, le modèle a permis de constater que les espèces de poissons qui peuplent les océans sont à moins de trois degrés de séparation les unes des autres, soit 2,1. Ce constat indique la présence d’un réseau résilient, capable de résister aux perturbations et favorisant le remplacement d’une espèce disparue par d’autres espèces pouvant s’adapter assez facilement à des niches écologiques semblables. Cependant, cette interconnexion présente aussi une certaine vulnérabilité. En effet, une perturbation locale, telle qu’un déversement de pétrole, peut avoir des conséquences sur toute la planète — un phénomène que M. Archambault compare à l’effet papillon.
En raison des nombreuses interactions possibles entre toutes les espèces marines, M. Archambault souligne la nécessité d’adopter une approche systémique nationale de la recherche et de la gestion marine. « Les Inuits doivent participer à chaque décision, parce que ce qui arrive dans d’autres régions océaniques du Canada pourrait avoir une incidence sur leurs systèmes alimentaires », dit-il. « On ne peut pas se contenter d’une approche régionale. On a besoin d’un réseau. »
Un réseau arctique pancanadien
Comme ses recherches scientifiques soulignent la nécessité d’adopter une approche par réseau à l’égard des sciences de l’Arctique, il n’est pas étonnant que M. Archambault ait relevé le défi de diriger les activités d’ArcticNet à ce nouveau chapitre. En collaboration avec Mme Dawson, M. Archambault entend veiller à ce que le réseau ArcticNet continue de croître et se renforce dans les années à venir, tout en misant sur ses réussites antérieures.
« C’est impossible de travailler seul dans l’Arctique. Ça coûte trop cher et c’est trop difficile », dit-il. « La collaboration au sein d’un réseau vaut bien plus que la somme des parties qui le composent. » Si l’on collabore étroitement avec les collectivités, si l’on met l’accent sur la cocréation et la collaboration, et si l’on favorise le partage des connaissances entre les chercheurs, les étudiants et les partenaires communautaires, on renforcera la recherche scientifique sur l’Arctique et les défis deviendront plus faciles à surmonter. Réaliser des changements en vase clos, c’est pratiquement impossible, mais en travaillant en collaboration avec 32 universités, avec des organismes territoriaux, provinciaux et fédéraux à l’échelle du pays, ainsi qu’avec des collectivités dans tout le Nord, M. Archambault croit qu’il est possible de réaliser de vrais changements.
« Nous ne travaillons pas seulement pour le bien de la recherche scientifique dans le Nord, mais aussi pour le bien des populations nordiques et de tous les citoyens canadiens. Nous voulons nous assurer que les Inuits ont la possibilité de réaliser leur plein potentiel et utiliser leurs nombreuses connaissances pour bien comprendre la réalité de l’Arctique canadien. »